QUEL REV POUR LIÈGE ?ANALYSE DE LA DECLARATION DE POLITIQUE COMMUNALE (DPC)

10, Fév, 2025

Ça y est ! La déclaration de politique communale a été rédigée et adoptée par le conseil communal ce 4 février. Pour le Collectif REVe Liège, après une année intense de mobilisation, de rencontres de milliers de cyclistes liégeois (plus de 3000 signatures récoltées, merci à tous-tes !) et de représentants d’organisations qui soutiennent la création d’un Réseau Express Vélo Liégeois puis du dépôt de notre pétition auprès du Bourgmestre et de l’échevin des travaux, il s’agit d’une étape importante. Nous pointons ci-dessous quatre engagements importants de la nouvelle majorité communale. Au-delà des intentions positives affichées, c’est la concrétisation qui compte maintenant pour les cyclistes liégeois.

@ Michel Tonneau

Quatre lignes du Réseau Express Vélo annoncées !

La nouvelle la plus importante est certainement que le projet de réseau cyclable porté par notre collectif est repris dans la DPC. « (…) Les partenaires défendront, la création dun réseau cyclable confortable, en collaboration avec le secteur associatif (Réseau Express Vélo) ». La ville a fixé l’objectif de réaliser « quatre itinéraires continus, au moins, en site propre protégéà travers la ville ». Nous aurions pu aspirer à davantage d’ambitions en termes de nombre de lignes (notre pétition revendique un réseau complet), mais si ces quatre itinéraires continus traversant la ville sont effectivement créés durant la législature, cela constituera une amélioration conséquente des conditions de la mobilité active à Liège. On rappellera que nous en sommes aujourd’hui à un maigre « 1,5 km de pistes cyclables séparées » à Liège. Reste, comme le texte l’y invite, à définir ces itinéraires en collaboration avec les associations vélo et les besoins des cyclistes liégeois. Nous ne manquerons pas d’associer à ce travail les nombreuses institutions liégeoises qui soutiennent le projet REV.

Une commission modes actifs, lieu de co-construction des projets cyclables

Deuxième point positif, une « commission modes actifs (et non plus uniquement vélo) se réunissant régulièrement et constituant un espace de co-construction des politiques piétonnes et cyclables avec lensemble des acteurs » est instaurée. Il s’agit d’un élément important de notre pétition, dont le désinvestissement ces dernières années une des causes des lacunes de la politique cyclable liégeoise. Le manque d’une concertation structurelle avec les cyclistes et associations vélos a résulté, ces dernières années, en des aménagements d’un niveau qualitatif faible. L’idée est désormais de co-construire des projets cyclables de qualité, et ce sur base d’un agenda régulier. Retour à un véritable travail collégial avec le monde associatif vélo comme il a déjà existé lors des années 2012-2016.

l’Urbanisme tactique, enfin !

Troisième élément positif, l’urbanisme tactique est désormais officiellement prôné. Il s’agit d’une approche permettant d’avancer rapidement, y compris dans un contexte budgétaire difficile. Liège a malheureusement raté le rendez-vous des « coronapistes cyclables », là où certaines villes françaises, à la sortie du COVID, ont créé en quelques mois des dizaines de kilomètres d’itinéraires cyclables séparés protégés, par exemple, par des glissières de type Jersey. L’inscription de ce principe dans la DPC doit permettre de lever les freins à cette stratégie précieuse.

Le corridor rive gauche sortirait-il enfin des cartons ?!

Il s’agissait de la grande avancée promise lors de la législature précédente : la création d’un corridor pour les modes doux permettant de connecter le Val Benoît à Coronmeuse. Concrètement, il s’agit de réaliser deux tronçons manquants, l’un entre le pont de Fragnée et le site du Val Benoît, l’autre entre le rond-point Prémontrés et le rond-point Cité. Ce projet d’un montant de 10 millions, annoncé depuis 2018, a pris un tel retard qu’on aurait pu le croire perdu. Il n’en est rien. La ville annonce défendre la réalisation de cet aménagement important lors de cette législature.

Les déceptions : ligne Busway 1, co-présidence de la commission, rééquilibrage de l’espace public & flou budgétaire

Abordons maintenant les éléments qui déçoivent ou posent question dans cette DPC.

Le premier et sans doute le plus important, concerne la ligne 1 du Busway, la fameuse « transurbaine » reliant Ans à Chênée. Après l’annonce récente du gouvernement wallon de reporter les travaux initialement prévus pour 2027 à 2030, c’est maintenant la ville qui, via la DPC, demande d’annuler les « travaux lourds » nécessaires à cette ligne 1 du Busway pour mettre en œuvre une simple ligne de bus et lancer l’étude d’une seconde ligne de tram.

Pour les cyclistes, cette annulation est loin d’être anodine. En vertu du principe STOP, le mandat avait été donné à l’OTW qui porte ce projet de ne pas répéter les erreurs du tram et de créer des infrastructures cyclables le long de cet axe. L’enjeu est important car cette liaison nord-sud, à la différence du fond vallée et de son RAVEL, offre très peu de solutions cyclables et comporte au contraire de nombreux tronçons hostiles à la pratique du vélo : Burenville, Fontainebleau, Pont du Longdoz, Gretry, Boulevard Froidmont… Or, sur base des esquisses que nous avions consultées, les aménagements prévus par cette ligne 1 intégraient bel et bien d’importantes avancées en matière d’infrastructures cyclables (nous y reviendrons en détail dans une prochaine publication).

La non-réalisation de la ligne 1 du Busway implique donc le risque d’une perte sèche pour les cyclistes liégeois sur un axe dont il est impératif d’améliorer rapidement la cyclabilité. Nous attirons l’attention de la majorité communale (mais également régionale) sur ce besoin criant. Dans cette annonce de la DPC, on mentionnera que les associations vélo n’ont pas été consultées et qu’aucune solution n’est mentionnée pour permettre la réalisation de ces axes cyclables indépendamment du Busway. Tout semble se passer comme si l’enjeu seul des transports en commun était pris en compte. Dans un contexte budgétaire difficile, il y a par ailleurs le risque de voir la région déplacer les enveloppes prévues pour cette ligne vers d’autres projets non cyclistes voire non liégeois.

A côté de cet élément on mentionnera les éléments manquant suivants :

  • Le rééquilibrage de l’espace public pour réduire la place de la voiture au profit des modes actifs n’est pas explicitement intégré à la DPC, malgré notre demande,
  • La co-présidence de la commission mode actifs par un membre de l’administration et un membre du monde associatif Liégeois n’est également pas reprise.

Il est très étonnant de ne pas trouver mention de ces deux éléments dans la mesure où, lors du débat organisé ces derniers mois par le Collectif REVe Liège et HELMO, l’ensemble des partis composant cette nouvelle majorité communale avaient explicitement exprimé leur accord à ces deux propositions.

Enfin, on regrette l’absence d’engagement budgétaire pour financer le REV. Si l’urbanisme tactique est un élément de solution dans un contexte difficile, il semble évident que le REV devra être financé par la région et par la Ville. Le Ministre avait marqué un avis favorable lors de notre rencontre avec lui à condition que la Ville soutienne aussi le REV. Il serait opportun que les moyens communaux investis dans le vélo ces dernières années soient orientés désormais vers ces infrastructures qualitatives très attendues.

Autres espoirs : la Zone 30, du stationnement et une lutte contre le stationnement sauvage !

Enfin, pour terminer sur une note positive, relevons les autres éléments importants pour la politique cyclable à venir présents dans la DPC, ne relevant pas du réseau d’infrastructures. La ville annonce :

  • Vouloir généraliser la zone 30km/h « à l’ensemble du réseau communal ». Il s’agit là d’une grande avancée et d’unpoint essentiel, à côté du réseau cyclable structurant, pour améliorer la sécurité des cyclistes liégeois,
  • « un effort d’ensemble sur le stationnement cyclable, dans les immeubles de logement, les écoles, les entreprises ; en créant quelques parkings vélo de grande capacité »,
  • Une amélioration de la sécurité routière par « laugmentation du nombre de radars » ainsi qu’une « lutte sans merci (…) contre le stationnement sauvage lorsquil place les usagers faibles en situation dinsécurité. » Le glas de la tolérance pour le stationnent automobile sur les pistes cyclables serait-il sonné ?

Terminons en rappelant que si ces engagements sont importants, c’est leur concrétisation qui compte maintenant pour les cyclistes liégeois.